Thursday 15 September 2016

New season

The course is restarting on 20 September. Should I say anything else?

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Monday 12 September 2016

On the spotlight

This interview (in French) was published on 'Cour et Jardin', the newsletter of the ABCD. Un grand merci à Jean-Pierre Defraigne!

SOUS LA TONNELLE : IMPRO FOR DUMMIES 
Qui n’a pas été amené un jour à improviser, soit lors d’une manifestation publique, d’un mariage, d’une assemblée ordinaire, soit… pour combler un trou de mémoire abyssal ? Depuis sa création en 1977, à Montréal, la Ligue d’Improvisation, essentiellement francophone à ses débuts, s’est rapidement internationalisée, touchant aussi bien les professionnels que les amateurs. Alors que toutes les troupes affiliées à l’ABCD pratiquent le théâtre dans sa conception traditionnelle, notre association a ouvert ses portes en 2013 à un groupe d’anglophones passionnés par l’Impro. C’est tout naturellement dans nos locaux que je reçois son représentant, Nicola F. Dotti, dont on peut deviner très aisément qu’il vient d’un grand pays de culture et de traditions théâtrales, dont la Commedia dell’Arte, ancêtre de l’Impro. Le micro est ouvert, et si vous tendez bien l’oreille, vous vous laisserez charmer par un délicieux accent méditerranéen. 

JPD : Pouvez-vous nous dire ce qui vous a amené à créer votre groupe ? 

NFD : J’ai fait de l’impro en Italie, où je suis né et ai vécu une bonne partie de ma jeunesse. Quand je suis venu en Belgique pour la première fois, en 2011, j’ai commencé à travailler à la Commission Européenne. Il y avait là un groupe voulant faire du théâtre. Profitant de mon expérience d’impro en Italie et comme on n’avait que trois ou quatre mois pour mettre quelque chose en route, j’ai coaché un premier groupe. Cela a été très court, mais pour moi, c’était ma première expérience de coach. Puis j’ai quitté la Commission, mais je voulais poursuivre l’expérience de l’impro. À la Commission, on jouait en anglais. J’avais bien essayé de jouer avec des comédiens francophones, mais le français n’étant pas ma langue maternelle, j’avais de difficultés à suivre. J’avais joué l’impro en anglais à Londres, mais là-bas j’avais du mal parce que encore j’étais le seule non de langue maternelle anglaise. Donc c’est né l’idée de jouer ici à Bruxelles où l’anglais est une deuxième langue pour tout le monde, donc on est tous au même niveau. Une fois le groupe constitué, je voulais un peu le structurer et c’est pourquoi je me suis adressé à l’ABCD. Un peu par hasard, d’ailleurs. Nous avions besoin d’une salle pour répéter. Nous nous sommes inscrits à l’ABCD et avons commencé à nous y réunir le 22 mars 2013, ce qui aujourd’hui est malheureusement devenue une date très triste pour Bruxelles . Nous sommes une association de fait.

JPD : Combien de membres, ou plutôt de participants avez-vous ? 

NFD : Le groupe n’est plus lié à la Commission. On est plus ou moins trente, et trois ou quatre seulement travaillent à la Commission. Les gens viennent de partout, d’autres associations, de l’université, des banques, des ingénieurs… On a donc commencé en mars 2013, on se voit toutes les semaines et on est structuré comme une « petite école » -(Il se ravise)- Non, école n’est pas approprié, disons un petit groupe où on pratique le coaching. On fait des spectacles de plus en plus réguliers.

JPD : Essentiellement l’Impro? 

NFD : Oui. En fait, il existe plusieurs formes d’impro. Il y a d’abord les matches d’impro, qui sont les plus connus en Belgique. Des équipes jouent l’une contre l’autre et c’est le public qui vote, il y a deschampionnats, une coupe du Monde, et donc des vainqueurs. De notre côté, nous avons une autre forme d’impro, c’est le long form, le long format, qui vient plutôt du monde anglophone. Par exemple, nous avons joué récemment un spectacle qui devait avoir le style d’un American Movie.

JPD : Pouvez-vous préciser? 

NFD : On reçoit du public les input (les suggestions). Pour l’impro de ce spectacle, il s’agissait de ceci : « la cuiller jaune de Hong Kong ». On savait seulement ça. On est alors parti de membres d’une multinationale de Hong Kong, les bons qui devaient chercher et trouver cette cuiller jaune, des dames qui recherchaient un kimono pour se marier, et d’autres qui devaient chercher des papillons. À la fin, on a découvert que le patron de la multinationale qui voulait la cuiller était un mauvais, donc les autres l’ont emprisonné. On ne savait rien, puisque tout ça était improvisé.

JPD : Pour entamer l’improvisation, avez-vous des canevas déjà établis ? 

NFD : Non. C’est totalement improvisé. Au mois de décembre dernier, pour un autre spectacle, c’était sur le thème de « Quatre mariages et un enterrement ». La règle, c’était de faire une impro d’une heure sur ce thème, mais on ne savait pas qui allait marier qui, qui allait mourir. On avait demandé au public de déterminer qui allait jouer tel ou tel personnage. Moi, j’étais un chinois campagnard, un autre travaillait dans une librairie, un autre était un majordome.

JPD : L’improvisation, cela fait tout de même appel à une technique particulière de jeu ? 

NFD : Oui. Chaque semaine, je suis à l’écoute de la créativité, de la spontanéité. Nous devons appliquer la règle du « Yes, and… », le « Oui, et… ». En d’autres termes, accepter ce que l’autre est et fait quand il improvise. Par exemple, si je rentre en scène en tant que cow-boy, on ne peut pas me dire : « Non, tu es un astronaute ». Mais si, en tant que cow-boy, je rencontre un astronaute, pourquoi pas ? C’est plausible.

JPD : Est-ce que l’improvisateur a déjà un ou des schémas dans sa tête? 

NFD : Non. La grande difficulté, c’est de comprendre qu’il n’y a pas de schéma, il ne faut pas les avoir ! Si je rentre avec mon schéma et que je veux l’imposer, je n’arrive plus à écouter l’autre. La magie de l’impro, c’est qu’on arrive à créer des histoires ensemble. Je ne suis pas un directeur, l’impro est un jeu collectif, il faut apprendre à s’écouter l’un l’autre pour arriver à raconter des histoires, tous ensembles. Apprendre à écouter, parce que « écouter » c’est une action active, pas passive. Il faut s’entraîner, bien sûr.

JPD : D’où viennent la plupart des participants? 

NFD : Géographiquement, nous venons de plusieurs pays. Les origines viennent d’Italie, de Bulgarie, d’Espagne, de Slovénie, de Lituanie, d’Autriche, d’Argentine et même de Chine. C’est un peu dommage qu’il n’y a pas de belges (Rires !). Mais je comprends qu’il y a déjà des autres équipes belges!

JPD : Peut-être par manque de maîtrise de la langue anglaise? 

NFD : Non, pas spécialement. Disons qu’il y a des niveaux différents de connaissance de l’anglais. Certains ont un niveau très avancé, d’autres un niveau moyen. Il faut évidemment pratiquer l’anglais et si on utilise cette langue professionnellement, ce n’est pas très difficile d’improviser. La plupart des participants sont âgés entre 30 et 40 ans. Le bouche à oreille fonctionne bien pour les personnes qui veulent nous rejoindre.

JPD : Vous avez un site informatique ? 

NFD : Oui, www.improbrussels.com et nous avons aussi une page Facebook, qui nous permet d’être contactés plus largement. Il en arrive tout le temps. La semaine dernière, deux filles ont rejoint notre groupe, grâce à ce biais.

JPD : Pourquoi cette appellation « Impro for Dummies » ? 

NFD: C’est une très bonne question ! Nous ne sommes pas des professionnels, nous ne sommes qu’amateurs. La première fois qu’on a fait un spectacle, on ne savait pas trop ce qu’on allait faire, on n’avait aucune formation, et une des participantes a lancé cette appellation que nous avons conservée. Impro pour les nuls, donc.

JPD : Vous êtes moins « dummies », moins « nuls », à l’heure actuelle, je suppose? 

NFD : Oui. Le groupe a grandi énormément en expérience. Pour le dernier spectacle, je n’ai dû rien faire comme coach, ce qui est pour moi une grande satisfaction. Cela veut dire que, dans le groupe, il y en a cinq ou six qui sont capables d’organiser et de gérer.

JPD : Que vous apporte l’ABCD? 

NFD : Au début, nous nous sommes affiliés parce que nous cherchions une salle de répétition. C’était très intéressant aussi pour nous de découvrir le monde du théâtre d’amateurs, son mode de fonctionnement, savoir ce qui s’y passe, les enjeux, l’ambiance. Mais la plupart d’entre nous ne parlent pas le français. Ce qui explique qu’ils ne participent pas aux différentes activités que l’ABCD organise et ne vont pas voir les spectacles des autres compagnies affiliées, qui sont tous joués en français.

JPD : Vous avez assisté pourtant à la rencontre des Présidents du mois de janvier dernier ! Quelle fut votre impression ? 

NFD : C’était la deuxième fois que je venais à ce genre de réunion. J’ai noté que l’ABCD a bien grandi. J’ai beaucoup apprécié l’esprit, c’est une ambiance très familiale. J’aimerais bien faire d’autres collaborations. Par exemple, au mois de décembre dernier, nous avons présenté des workshops à destination de personnes qui veulent s’essayer à l’impro dans une autre langue. Cela dure deux-trois heures et cela donne les bases de la technique d’impro. Je voudrais en proposer des autres.

DJP : Vous n’envisagez pas de vous lancer dans le théâtre tel qu’on le vit classiquement : un auteur, un texte, des acteurs ? 

NFD : Il existe bien des associations anglophones de théâtre « conventionnel » à Bruxelles, notamment la Brussels Shakespeare Society. Il y a aussi une troupe d’Impro anglophone liée à l’American Theatre Company, mais ce sont des « native speakers ». C’est l’Impro qui recueille ma préférence. J’y suis plus à l’aise : j’ai toujours eu du mal à mémoriser le script théâtrale ! C’est pour ça que j’avais commencé avec l’impro…

DJP : Quelles sont les compétences que vous attendez d’un « improvisateur ? 

NFD : J’utiliserais plutôt le terme d’ « improvisacteur ». Celui-ci doit être à la fois acteur, metteur en scène et dramaturge de son propre histoire. On travaille un peu moins la vocalité, la gestion de la voix, parce que l’essentiel est dans la spontanéité. Mais il faut savoir avant tout comment introduire et développer une histoire, où et comment se déplacer. Moi, je suis le coach. C’est un peu comme dans une équipe de football, où ce sont essentiellement les footballeurs-acteurs qui créent l’histoire de leur match, en suivant les directives de leur entraîneur. La différence, c’est qu’en football, on est dans la compétition, alors que nous sommes dans la coopération. On ne prend pas de coups ! (Rires !). Ce que je trouve passionnant de faire l’impro avec les amateurs c’est qu’on arrive à s’éduquer à la créativité. Je me suis convaincu que tous peuvent arriver à un bon niveau d’impro, au-delà de la langue.

DJP : Dans quel genre de salle vous produisez-vous ? 

NFD : Généralement, dans une petite salle de la Rue de Dublin à Ixelles. Il y a près de 70 places. Nous n’avons pas de problème d’éclairage et de décor, puisque nous travaillons toujours sur une scène qui doit être noire et vide ! Nous apportons de petits accessoires si nécessaire, mais en principe on part d’une condition neutre pour être libre d’improviser.

DJP : Et comment vous en sortez-vous financièrement ? 

NFD : Ce n’est pas très lourd. Nous devons juste couvrir les frais de location de la salle de répétition de l’ABCD et la salle de la rue de Dublin, ce qui est très peu. Généralement, les entrées aux spectacles sont libres, parce que nous ne savons pas ce que nous allons jouer. C’est le public qui décide ce qu’il va donner à la fin du spectacle selon qu’il a ou non apprécié le spectacle. Mais, pour le dernier spectacle, nous avons demandé 10€ d’entrée, parce qu’il était en faveur de réfugiés, dans le cadre de la campagne internationale « Improv without Borders », « L’Impro pour les réfugiés ». Il y avait ce soir-là 95 spectacles d’impro dans le monde. Nous avons récolté plus de 750€ pour Médecins sans Frontières ! Chaque année, nous participons à une soirée de ce genre, à caractère humanitaire. L’année passée, c’était pour Emergency Belgium, qui était en première ligne pour guérir les victimes du virus Ébola. C’est un petit valeur-ajouté à quelque chose que nous faisons pour nous nous amuser.

DJP : Avez-vous de prochains projets ? 

NFD : Deux spectacles, le 21 mai à la Salle de Dublin, au cours duquel nous testerons de nouveaux formats, le reste je ne le sais pas parce que c’est bien sûr tout improvisé ! L’autre le 11 de juin, toujours à la Salle de Dublin, pour fêter notre troisième anniversaire. J’aimerais aussi aller présenter notre spectacle à Milan, en Italie et à Sofia, en Bulgarie, mais c’est plus compliqué. J’aimerais bien jouer avec des équipes belges, mais elles sont réticentes à jouer en anglais. Pourtant, je trouve que ce serait très enrichissant. Ce qui est important à intérioriser, c’est qu’il n’y a pas d’erreur dans l’impro. L’erreur, c’est de ne pas jouer, c’est dire non à l’autre. Ce qui est aussi réjouissant, c’est la solidarité du public, admiratif du courage que nous avons d’aller sur scène et de donner libre cours à notre imagination.

DJP : D’où vient votre public ? 

NFD : Au début, c’était essentiellement des amis. Maintenant, trois ans plus tard, le public s’agrandit. Ce sont les amis de nos amis. Cela reste circonscrit à Bruxelles.

Merci, Nicola, de vous être prêté à l’improvisation des réponses à des questions qui l’étaient presque moins. Ce que je retiens de cette rencontre sympathique, c’est une disponibilité, une écoute et une gentillesse qui ont la couleur du ciel d’Italie. Et ça, ça ne s’improvise pas ! 

DJP - Mai 2016